I - LA DÉMISSION SANS RISQUE
Nous partons là du postulat que le choix de la démission est arrêté.
La raison en est simple : il n'est plus possible d'assister le client sans s'exposer à un risque sur le maintien de mission. (Voir notre article ICI)
Quelques prÉcautions formelles doivent Être prises
Tout d'abord, la fin de mission doit être datée et écrite. Elle doit clairement exposer les raisons de la rupture, et doit dans l'idéal faire suite à une mise en demeure, pas forcément au sens technique du terme, mais l'idée est que le client doit comprendre que c'est son attitude qui conduit l'expert-comptable à démissionner.
Par exemple :
« Cher Monsieur à la suite de nos demandes du X et du X, nous constatons que nous n’avons toujours pas de pièces justificatives concernant les opérations du X et du X. Dans ces conditions, et comme nous nous l’avons déjà indiqué, il ne nous est pas possible de poursuivre notre mission »
Les raisons d’une démission sont hélas assez classiques : les pièces justificatives ne parviennent pas au cabinet, certains flux sont douteux et laissent à penser que des infractions sont commises, certains ratios sont anormaux, etc.
Ensuite, cette démission doit intervenir suffisamment tôt, si possible plusieurs mois avant la clôture de l’exercice.
Plus la résiliation est brutale et proche de ladite clôture, plus les précautions formelles doivent se multiplier.
Bien souvent, le client qui annonce les justificatifs à venir n’est pas convaincant. Il faut lui écrire dès ses premières promesses orales que le temps passe et que la date de clôture approche.
Cela étant, le problème tient le plus souvent aux délais tardifs et au risque de mise en cause pour rupture brutale de sa mission, plaçant le client face à une impossibilité d’établir la comptabilité.
L’expert-comptable ne doit toutefois pas se laisser piéger, et revenir aux fondamentaux.
II - LA DÉMISSION : UN RISQUE À PRENDRE
Face à un client procédurier mais qui n'est pas diligent, la démission est un risque à prendre.
Plus précisément, entre un risque de mise en cause devant un juge civil, par le client, et un risque de mise en cause pénale, comme complice du client, il faut toujours préférer le premier.
D'autant que si ladite démission a été correctement formalisée et motivée, le client sera débouté.
Il faut en effet garder présent à l'esprit que le client doit travailler en collaboration avec son expert-comptable.
Suivant une formule classique des lettres de mission : il s'engage à mettre à la disposition du professionnel comptable, dans les délais convenus, l'ensemble des documents et informations nécessaires à l'exécution de la mission (…).
C'est dire qu'en cas de démission, ce n'est pas l'expert-comptable qui est défaillant, mais bien le client, qui ne répond pas à son obligation.
Soit il est négligent et en l'absence de pièce justificative il n'est pas possible d'établir des comptes, soit il est malhonnête, et dans la mesure oû l'expert-comptable s'interroge sur la réalité de l'activité, l'existence de faux, ou tout autre anomalie, sa seule réponse tient dans la démission.
La Cour d'appel de Pau rÉsume trÈs bien cette problÉmatique
_Les travaux d'établissement de comptes par un expert-comptable « ne pouvaient être finalisés qu'en conformité avec les règles comptables, fiscales et mêmes pénales en retraçant des opérations conformes au droit ;
_L'expert-comptable est en droit d'exiger les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission et qu'en cas de refus ou comme en l'espèce de coopération de son client, il est en droit de se démettre de la mission qui lui a été confiée ».
(CA Pau, 2 novembre 2009, n°08/00284).
Est-ce à dire qu'un expert-comptable doit systématiquement démissionner face à un client négligeant ?
Evidemment pas, mais il doit s'en tenir à sa déontologie : si un doute existe et que le client n'a pas su le lever en répondant à sa question, la méfiance qui s'installe doit le conduire sur cette voie.
Contrairement au commissaire aux comptes, l'expert-comptable est donc condamné à faire confiance ou à abandonner sa mission en cas de difficulté trop grave pour ne pas s'exposer à un risque. |