Dispositif TRACFIN ou l'histoire d'une dérive
La parution de la nouvelle norme LAB du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables est l'occasion de revenir sur l'histoire de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
L'obligation de déclaration de soupçon, en rendant obligatoire la violation du secret professionnel et la délation de son client, constitue une exception a priori contraire à l'esprit qui anime tout professionnel libéral.
En effet, même si la déclaration n'est pas directement adressée à l'autorité de poursuite, TRACFIN fait suivre volontiers tout dossier méritant un traitement judiciaire.
C'est dire qu'il n'est nul besoin de tergiverser : en déclarant à TRACFIN un soupçon, l'expert-comptable met son client entre les mains du procureur de la République.
Or, précisément, ce sont les termes de blanchiment et, surtout, de terrorisme, qui ont aidé les plus récalcitrants à franchir le rubicon et à se défaire de leur culture libérale : comment s'arc-bouter sur son secret professionnel, en conscience, face à de tels dangers ?
En réalité, la formule et l'interprétation qui en a été faite sont trompeuses au moins à trois égards.
Tout d'abord, la lutte contre le terrorisme constitue une part marginale des déclarations reçues et de l'analyse conséquente. C'est heureux, certes, puisque cela signifie surtout que le terrorisme reste marginal, mais le fait d'accoler les deux termes « blanchiment » et « terrorisme » procède d'un raccourci un peu facile, confinant au slogan de campagne.
Juridiquement, le blanchiment implique un flux entrant ; il correspond à des fonds provenant d'une infraction. Le financement du terrorisme procède, lui, d'une logique inverse, on pourrait plutôt parler de noircissement, en ce sens que des fonds parfaitement propres peuvent financer du terrorisme : c'est donc leur destination qui pose problème et non leur origine !
La deuxième tromperie tient au cantonnement de la déclaration ; il faut insister sur ce point, le claironner : le blanchiment implique un flux entrant et nécessairement entrant. Or, TRACFIN ne s'embarrasse plus de cette exigence et la distinction entre la provenance des fonds et leur destination semble avoir disparu. |