Lorsqu'une entreprise se dÉveloppe,
pensez À la dÉlÉgation de pouvoirs !
Le contentieux des affaires a ses grands classiques. Parmi eux, le plus récurrent est sans doute l'absence de formalisation.
La délégation de pouvoirs en est un exemple topique.
Une société se développe et le dirigeant, qui était initialement sur tous les fronts, délègue au fur et à mesure des recrutements, certaines tâches.
La gestion s'exerce sur un mode informel : « c'est mieux, plus rapide, et puis… tout le monde se connaît au sein de la structure ! »
Tout se passe bien donc, jusqu'au jour où survient une difficulté, qui peut être de plusieurs ordres : on découvre que les normes d'hygiène ou de sécurité ne sont pas respectées (souvent à la suite d'un accident entraînant des blessures voire la mort – spécialement dans le secteur du bâtiment ou des transports), qu'une partie de la production est contrefaite, ou que des salariés ont été recrutés dans des conditions douteuses.
Autrement dit, des délits existent au sein de la société et le dirigeant, qui les ignorait, sera le premier suspect.
Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, le grand classique se poursuit.
Les enquêteurs poseront des questions simples, mais les réponses, elles, ne le seront jamais.
Les fiches de poste ne correspondent pas vraiment à ce que racontent les salariés de leur quotidien, les formations ne sont pas toujours adéquates, les dates sont imprécises, et surtout, le dirigeant n'a rien formalisé.
Ce dernier va alors claironner qu'il n'était plus physiquement présent sur les chantiers, qu'il ne s'intéressait plus à l'activité litigieuse depuis des années, rien n'y fera.
En effet, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, si au regard de l'importance d'une société le dirigeant ne peut gérer personnellement tous les secteurs d'activité de celle-ci, il ne sera exonéré qu'à condition, outre qu'il n'ait « pas personnellement pris part à l'infraction » que « « s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires » (Cf. infra pour l'arrêt topique).
Voilà pourquoi les conseils, qu'ils soient avocats ou experts-comptables doivent suggérer en amont la rédaction d'une délégation de pouvoirs qui, dûment datée et signée restera la meilleure preuve de l'existence et de l'effectivité de la délégation discutée.
Dans bien des cas deux ou trois pages correctement rédigées peuvent éviter au dirigeant des poursuites pénales aux conséquences lourdes.
Pensez donc À respecter trois Étapes simples
1. Tout d'abord, convaincre le client de la nécessité d'une délégation de pouvoirs écrite et écartant les classiques objections :
- Non, le fait de bien connaître le salarié ne change rien à la donne, le fait qu'il soit loyal non plus : face à la pression pénale la défausse est récurrente ;
- Oui, les risques sont réels et une condamnation à une amende, à de la prison avec sursis, voire à une interdiction de gérer, peuvent compromettre une carrière.
2. Ensuite, invitez le client à prendre le temps de la réflexion : qui fait quoi au sein de l'entreprise ? Les fiches de poste correspondent-elles bien à cette fonction ? L'intéressé a t-il les compétences, la formation, l'expérience et la rémunération pour se voir déléguer telle ou telle fonction ?
3. Enfin, reprendre tout ce qui précède dans un écrit court, aux termes simples, en évitant :
- Les délégations imprécises : l'adverbe « notamment » est à proscrire : on doit précisément savoir quelles sont les responsabilités que le dirigeant a déléguées au salarié ;
- Les délégations trop larges : un dirigeant reste le principal responsable et le salarié, même sérieux et compétent, n'a pas vocation à devenir un dirigeant de fait ;
- Les délégations trop courtes : toutes les fonctions déléguées doivent figurer.
Si ces conditions sont respectées le dirigeant pourra envisager sereinement le combat judiciaire et son conseil l'aura correctement accompagné dans un des aspects désormais essentiel de son métier : la prévention des risques.
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